
BAIL COMMERCIAL ET TRAVAUX DE MISE AUX NORMES
Dans le cas d’un bail commercial, il faut distinguer trois cas dans les travaux de mise aux normes :
- Le bail a été signé avant le 5 novembre 2014 et inclus une clause stipulant que les coûts des travaux incombent au locataire. Ce dernier devra payer les travaux de mise aux normes.
- Le bail a été signé après le 5 novembre 2014 et il ne comporte pas de clause dérogatoire. Les travaux incombent alors au bailleur qui doit en supporter la totalité.
- Le bail a été signé après le 5 novembre 2014 et il comporte une clause dérogatoire. Le bailleur conserve à sa charge les grosses réparations (art. 606 du Code Civil), le reste est à la charge du locataire.
Mise aux normes des Établissements Recevant du Public (ERP)
Afin de comprendre les subtilités du bail commercial dans le cas des travaux de mise aux normes, il convient d’abord de s’attarder sur la qualification d’établissement recevant du public (ERP). Ensuite, il apparaît nécessaire de mettre en évidence l’obligation de mise aux normes qui frappent ces établissements. Le non-respect de cette obligation de mise aux normes entraine naturellement des sanctions. Il existe toutefois des dérogations à l’obligation de mise aux normes qu’il est intéressant de soulever.
La qualification d’ERP
L’établissement recevant du public est défini à l’article R. 123-2 du code de la construction et de l’habitation. Il s’agit alors de l’ensemble des lieux publics ou privées qui accueillent des clients ou des personnes autres que les employés. Cette qualification désigne ainsi de nombreux établissements tels que les commerces, les cinémas, les théâtres, les hôtels, les restaurants, et les hôpitaux, les écoles, etc. Les ERP sont classés par catégories et se voient imposer des obligations spécifiques en fonction de celles-ci.
L’obligation de mise aux normes
La loi n°2005-102 du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, complétée par le décret n° 2009-500 du 30 avril 2009 relatif à l’accessibilité des établissements
recevant du public et des bâtiments à usage d’habitation, fixe une obligation pour l’ensemble des ERP d’être en mesure d’accueillir toute personne à mobilité réduite ou ayant un handicap. Une telle obligation est désormais présente à l’article L. 111-7-3 du code de la construction et de l’habitation.
Pour que l’établissement puisse être accessible, il doit comporter des aménagements permettant aux personnes handicapées de circuler, d’accéder aux locaux et de communiquer. La loi du 11 février 2005 a une large conception du handicap : celui-ci ne s’arrête pas à l’incapacité physique. Il touche à la fois les fonctions physiques, mentales, cognitives et psychiques.
Les travaux permettant l’accès à ces établissements touchent aux cheminements extérieurs, au stationnement des véhicules, aux circulations dans les bâtiments, aux portes, aux revêtements des sols, et aux équipements. Il s’agit ainsi, potentiellement, de lourds travaux d’aménagement qu’il est nécessaire d’opérer.
Les sanctions en cas de non-respect de l’obligation de mise aux normes.
Le non-respect de l’obligation de mise aux normes des établissements recevant du public est un délit. Dans ce cas, il y a quatre niveaux de sanctions qu’il est possible de prononcer :
- Une amende de 225 000€ si la personne fautive est une personne morale.
- Une amende de 45 000€ et un mois de prison.
- En cas de récidive, l’amende augmente et atteint 75 000€ et six mois de prison.
- Fermeture de l’établissement prononcée par l’autorité administrative considérant qu’il ne répond pas aux conditions d’accessibilité.Une dernière sanction est plus rarement prononcée : il s’agit de l’interdiction d’exercice pour la personne qui exerçait une activité dans l’établissement mis en question.Ainsi, les travaux de mise aux normes ont un caractère essentiel et le non- respect de ces obligations constitue un risque juridique important.
Dérogation à l’obligation de mise aux normes.
Il existe des cas où il est possible d’obtenir une dérogation à l’obligation de mise aux normes d’un établissement recevant du public. En particulier, il y a trois cas dans lesquels il est possible d’obtenir une telle dérogation :
- Impossibilité technique de réaliser les travaux d’aménagement (en raison du terrain ou du type de sol par exemple) ;
- Contraintes liées à la conservation du patrimoine architectural, urbain ou paysager. Une telle dérogation touche principalement les monuments classés ou les établissements se situant à proximité d’un tel monument.
- Disproportion manifeste entre les améliorations à apporter, les coûts, et les effets sur l’usage du bâtiment (réduction trop importante de l’espace du bâtiment par exemple).
Ces dérogations sont données après un avis de la commission départementale consultative de la protection civile, de la sécurité et de l’accessibilité.
Pour finir, une dérogation à l’obligation de mise aux normes peut être accordée aux ERP se situant dans un immeuble collectif à usage d’habitation. Ainsi, si les copropriétaires refusent les travaux de mise en accessibilité, une dérogation pourra être accordée. Pour que celle-ci soit accordée, il est nécessaire de fournir un procès-verbal d’assemblée générale des copropriétaires dans lequel ceux-ci refusent les travaux de mise aux normes. Toutefois, il ne leur suffit pas simplement de refuser les travaux de mise aux normes, ils doivent également motiver ce choix en vertu de ce que prévoit l’ordonnance n° 2014-1090 du 26 septembre 2014 relative à la mise en accessibilité des établissements recevant du public, des transports publics, des bâtiments d’habitation et de la voirie pour les personnes handicapées.
Travaux de mise aux normes et bail commercial
La loi Pinel du 18 juin 2014 contient des dispositions quant à la répartition de la charge des travaux afin qu’elle ne repose plus uniquement sur le locataire. Il convient ainsi de distinguer trois cas en fonction desquels la charge des travaux de mise aux normes peut varier : le bail commercial est signé avant le 5 novembre 2014 et comporte une clause dérogatoire, le bail commercial est signé après le 5 novembre 2014 et ne comporte pas de clause dérogatoire, ou le bail commercial est signé après le 5 novembre 2014 et contient une clause dérogatoire. La situation sera plus compliquée s’il s’agit d’un bail commercial non-signé.
Bail commercial signé avant le 5 novembre 2014
Ce premier cas correspond à un bail commercial signé avant le 5 novembre 2014 et incluant une clause mettant, de manière explicite, à la charge du locataire les travaux d’accessibilité. Cette clause peut également mentionner, de manière plus générale, l’ensemble des travaux prescrits par l’administration. Il convient ici de souligner que le caractère « explicite » de cette clause est le critère de sa légalité comme l’a jugé la Cour de Cassation à de multiples reprises (Cass, 19 décembre 2001, n°00-12.561 ). Une clause qui n’est pas assez explicite sera ainsi écartée par le juge. Ainsi, dans le but de mettre à la charge du preneur les travaux de mise aux normes, il faut clairement inscrire dans le bail commercial que ce dernier s’engage à prendre en charge ces coûts. Il existe ainsi une jurisprudence abondante rejetant des clauses pas assez claires. Par ailleurs, la clause mettant à la charge du preneur les travaux prescrits par l’administration ne s’applique qu’aux travaux prescrits après la signature du bail commercial pour un restaurant, à titre d’exemple.
Bail commercial signé après le 5 novembre 2014 et comportant une clause dérogatoire
Ce second cas correspond à un bail commercial signé après le 5 novembre 2014 et comportant une clause mettant, de manière explicite, à la charge du locataire les travaux de mise aux normes.
La loi Pinel est complétée par le décret n°2014-1317 du 3 novembre 2014 relatif au bail commercial. Ce dernier insère un article R. 145-35 au code de commerce afin de préciser l’ensemble des charges qu’il n’est pas possible de mettre au compte du locataire. Le premier point de cet article dispose alors qu’il est impossible de mettre à la charge du locataire « les dépenses relatives aux grosses réparations mentionnées à l’article 606 du Code civil ».
Dès lors, il est nécessaire de distinguer deux cas en ce qui concerne les travaux de mise aux normes dans le cas d’un bail commercial contenant une clause dérogatoire :
- Les travaux ont la nature de grosses réparations comme le dispose l’article 606 du Code civil. Dans ce cas, les réparations sont à la charge du bailleur. Ce cas s’applique même si le contrat contient une clause mettant à la charge du preneur des travaux de grosses réparations. Une telle clause est alors réputée non-écrite.
- Les travaux ne sont pas des grosses réparations comme le dispose l’article 606 du Code civil. Dans ce cas, les travaux sont à la charge du locataire si une clause, suffisamment explicite, dans le bail le stipule.
Il faut souligner que l’interprétation de l’article 606 du Code civil par le juge est encore peu claire, oscillant entre une vision extensive et une vision restrictive des travaux consistant en de « grosses réparations ».
Bail commercial signé après le 5 novembre 2014 et ne comportant pas de clause dérogatoire
Le dernier cas concerne un bail commercial signé après le 5 novembre 2014 et ne comportant aucune clause mettant à la charge du preneur les travaux prescrits par l’administration. Dans ce cas, le propriétaire devra réaliser l’ensemble des travaux prescrits par l’administration en vertu de l’article 1719 du Code civil. Ce dernier dispose, en effet, dans son deuxième alinéa que le propriétaire a l’obligation d’entretenir la chose louée en état de servir à l’usage pour lequel elle est louée. Afin de conserver la chose louée en l’état de servir à l’usage commercial, le bailleur est dans l’obligation de réaliser de travaux pendant un bail commercial et ce à sa charge.
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