
L’ARTICLE 606 DU CODE CIVIL ET LE BAIL COMMERCIAL
Un bail commercial peut être défini comme étant le contrat de location d’un local mis à disposition pour une exploitation commerciale ou artisanale. La signature d’un bail commercial ainsi que sa résiliation obéissent à des règles comme le respect d’un délai de préavis de résiliation ou la réalisation d’un état des lieux;
Une source fréquente de litiges concernant ce type de contrat se trouve dans la répartition des réparations liées au local loué entre le propriétaire et le locataire.
Il est donc primordial de prêter une attention particulière aux clauses contractuelles portant sur la répartition de la charge des réparations. En effet, le propriétaire tend dans la quasi-totalité des cas à vouloir s’exonérer de la totalité des réparations à sa charge, entre autre les grosses réparations au sens de l’article 606 du code civil.
Depuis la loi PINEL de 2014, on assiste cependant à une évolution de la répartition des réparations dans le cadre d’un bail commercial au profit du locataire.
Rappel de la répartition des réparations entre bailleur et preneur dans le cadre d’un contrat de bail commercial
Il existe deux sortes de réparations rattachées à un contrat de bail qui se répartissent entre le locataire et le bailleur :
- les petites réparations : réparations locatives d’entretien à la charge du locataire d’après l’article 605 du Code civil.
- les grosses réparations: réparations concernant la structure et solidité de l’immeuble à la charge du propriétaire d’après l’article 606 du Code civil.
Ce sont les obligations respectives entre locataire et propriétaire concernant les travaux à réaliser au fil du bail.
L’importance de la question de la réparation des réparations entre bailleur et preneur se pose en matière de grosses réparations. Quand on parle de grosses réparations, on entend par là par exemple une réparation telle qu’un ravalement de façade ou une réparation de la toiture de l’immeuble loué.
Les grosses réparations sont à la charge du bailleur dans un bail commercial.
Définition des grosses réparations au sens de l’article 606 du Code civil
Les grosses réparations sont définies à l’article 606 du Code civil : « Les grosses réparations sont celles des gros murs et des voûtes, le rétablissement des poutres et des couvertures entières. Celui des digues et des murs de soutènement et de clôture aussi en entier. Toutes les autres réparations sont d’entretien. » La mise aux normes électriques des locaux entre également dans ce champ d’application.
Interprétation jurisprudentielle de la notion de grosses réparations. Etant donné que les termes de l’article sont flous, les juges ont contribué à interpréter et préciser la notion de « grosses réparations ». Cette interprétation est laissée à l’appréciation souveraine des juges du fond pour décider de la limite entre une petite et une grosse réparation.
Après une interprétation restrictive de la notion dans un premier temps, la jurisprudence évolue depuis 2005 et pose une définition générale des grosses réparations. Ainsi, en général, tous les travaux relevant de la structure et de la solidité de l’immeuble loué sont définis comme étant une grosse réparation à la charge du bailleur.
Notion de structure et solidité des locaux. La jurisprudence reprend la notion de gros ouvrages du bâtiment de l’article 5111-27 du Code de la construction et de l’habitation. Elle reprend les exemples listés à cet article pour préciser cette notion : les travaux concernant le revêtement des murs, les escaliers et planchers, plafonds et cloisons fixes, canalisations et tuyauteries, ascenseurs, portes et fenêtres ou encore les travaux concernant la réparation dans sa totalité de la toiture d’un immeuble.
Limite aux réparations à la charge du bailleur. Les grosses réparations peuvent être à la charge du locataire si elles ont été occasionnées par un défaut d’entretien de sa part. En effet, si les dégradations de la structure et de la solidité de l’immeuble relève du fait que le preneur a fautivement manqué à son obligation d’entretien des lieux, alors les grosses réparations concernant cette faute seront à la charge du locataire.
De plus, le propriétaire n’aura pas à porter les coûts de travaux dès lors que le locataire aura entrepris ces travaux de son propre chef, sans exiger à l’avance du propriétaire l’exécution de ces travaux.
En l’absence de clauses dans le contrat, le bailleur doit supporter les grosses réparations et les réparations d’entretien non locatives. Ainsi, il devra également supporter les dépenses d’une réparation de gros entretien comme le changement d’une chaudière par exemple.
Clauses contractuelles permettant le transfert des grosses réparations à la charge du locataire
Le propriétaire est donc tenté de s’exonérer de cette lourde tâche lors de la conclusion d’un contrat de bail commercial en ajoutant des clauses au contrat stipulant que les grosses réparations seront à la charge du locataire.
Absence de caractère d’Ordre public de l’article 1720 du Code civil. Celui-ci définie la répartition des charges des réparations entre propriétaire et locataire. Les réparations autres que « locatives » (c’est-à-dire un entretien courant des lieux et des petites réparations liées à une usure normale des lieux) seront à la charge du bailleur.
Or, en l’absence de caractère d’Ordre public, il est possible de déroger contractuellement à la règle. Une clause contractuelle d’exonération de la charge des réparations au profit du propriétaire est en principe licite.
La clause contractuelle devra toujours être claire et précise. Si elle est ambiguë, elle sera alors considérée comme étant nulle.
Qu’en est-il des réparations liées à la vétusté ou imposés par l’administration ?
Notion de Vétusté
La vétusté est un dommage important de la chose louée lié à un manque d’entretien résultant du comportement fautif du bailleur. Le bailleur devra en principe toujours répondre de la «vétusté » des locaux loués.
La vétusté ne fait pas partie des grosses réparations au sens de l’article 606 du Code civil. Ainsi, une clause exonérant le propriétaire des grosses réparations n’exonère pas des réparations liées à la vétusté.
Attention : Les travaux de grosses réparations liés à la vétusté où imposés par l’administration peuvent tout de même être mis à la charge du locataire par clauses contractuelles.
Loi PINEL de 2014 et nouveautés dans l’application de l’article 606 au bail commercial
Avant la loi PINEL, le bailleur avait la liberté de mettre dans le contrat une clause stipulant que les grosses réparations sont à la charge du preneur. La liberté contractuelle régissait les obligations de réparations entre locataire et bailleur.
Date d’application
La loi PINEL et le décret ln°2014-1317 du 3 novembre 2014 l’accompagnant s’appliquent aux baux commerciaux conclus ou renouvelés à partir du 5 novembre 2014.
Interdiction pour le bailleur de s’exonérer de l’obligation de l’article 606 du Code civil en matière de bail commercial.
La loi PINEL du 18 juin 2014 relative à l’artisanat, au commerce et aux très petites entreprises tend à rééquilibrer les rapports entre bailleurs et locataires. Il n’est désormais plus possible pour le bailleur de reporter la charge des grosses réparations sur le locataire. Les grosses réparations ne seront plus jamais à la charge du locataire.
Depuis cette loi, le bailleur n’a plus cette possibilité de s’exonérer contractuellement des grosses réparations. Elle encadre et impose la répartition des réparations pour le bail commercial. La loi PINEL introduit un nouvel article dans le Code de commerce : l’article L145-40-2 du Code de commerce. Il prévoit qu’à présent, il est interdit pour le bailleur d’obliger le preneur à régler « certaines dépenses relatives aux grosses réparations mentionnées à l’article 606 du code civil ainsi que, le cas échéant, les honoraires liés à la réalisation de ces travaux ».
Interdiction d’Ordre Public
Désormais, il est totalement interdit au propriétaire de s’exonérer de son obligation concernant les grosses réparations. Il est impossible de déroger à cette règle.
Seule possibilité restante pour le bailleur étant de mettre à la charge du preneur conventionnellement les réparations liées à la vétusté du local loué mais ce, seulement si les travaux s’assimilent à des réparations d’entretien (article R145-35 al.2 Code de commerce).
Récapitulatifs des réparations ne pouvant plus être mises à la charge du locataire
- Dépenses relatives aux grosses réparations définies à l’article 606 du Code civil ainsi que les honoraires liées à la réparation
- Dépenses relatives à la vétusté des locaux si elles relèvent de grosses réparations à effectuer et aux travaux imposés par l’administration
Obligation d’inventaire des travaux et réparations à réaliser en matière de bail commercial
Nouvelle condition d’information au profit du locataire. L’article L145-40-2 du Code de commerce dispose que le bailleur doit faire un inventaire pour le locataire :
- tous les 3 ans à compter de la conclusion du bail
- de l’état prévisionnel des travaux dans les 3 ans à venir
- et d’un récapitulatif des travaux effectués les 3 dernières années, avec le coût des travaux
Une protection maximale pour le locataire. Les travaux devront être décrits le plus précisément possible. Plus de chance désormais pour le bailleur de déroger à ces dispositions par clauses contractuelles dans le contrat de bail commercial. Si le bail n’est pas assez précis au sujet des travaux et réparations, les dépenses seront automatiquement à la charge du propriétaire.
Bail Expert –